8 mars 2008
Soutine et Vlaminck, les Janus de la couleur
A une semaine de distance, j’ai vu deux expositions sur des peintres du début du XXe siècle : Chaïm Soutine* et Maurice de Vlaminck**. Tout oppose ces contemporains. Soutine (1893-1943) était biélorusse, sa famille était juive orthodoxe et sa vocation mal perçue par ses parents. Il a fait des études d’art, avant d’émigrer à Paris. Il était de santé fragile et est décrit comme un être caractériel, torturé et dépressif. Un gros chieur, apparemment. Son meilleur copain s’appelait Modigliani. Il faisait partie de la bohème de Montparnasse. Soutine a résidé dans le sud de la France, à Céret et à Cagnes, sponsorisé par un marchand d’art. Pendant la Seconce Guerre mondiale, il a dû vivre dans la clandestinité. Il est mort en 1943 d’une hémorragie interne soignée trop tardivement.
Vlaminck (1876-1958), d’origine flamande, a grandi dans une famille de musiciens dans la banlieue parisienne. De 16 à 18 ans, il a gagné sa vie comme coureur cycliste, puis comme violoniste dans des bastrignues ! Il était autodidacte en peinture. C’est André Derain, rencontré lors du déraillement d’un train, qui lui a donné envie de peindre. De sa vie, il n’a guère bougé de la banlieue ouest, peignant les bords de Seine, à Chatou, au Pecq... Pendant la guerre, il a continué à mener sa petite vie tranquillou. Il paraît aussi qu’il portait des cravates en bois peint qui, à l’occasion, lui servaient de matraque (lu dans Le Monde).
En 1941, il a eu la très mauvaise idée de participer à un voyage à Berlin, organisé par Goebbels, en compagnie d’autres artistes célèbres. Très très mauvaise pioche. Ça jette une sale ombre sur le parcours de cet homme, longtemps anarchiste, qui avait plutôt l’air d’un gars sympa.
Dans les articles que j’ai parcourus, il n’est nulle part fait mention de la moindre accointance entre ces deux hommes. Chacun dans son camp. Comme deux droites parallèles sur une toile. Ces deux artistes ont produit une œuvre à l’image de leur personnalité. Les figures représentées par Soutine, sont de guingois, grimaçantes, monstrueuses. Ses natures mortes ? Des carcasses de bœufs en putréfaction, des lapins morts...
Pour le coup, vraiment mortes, les natures. Quant à ses paysages, magnifiques, ils sont déformés, soumis à de violentes torsions.
(Chemin montant à Cagnes, 1918)
Vlaminck représente des intérieurs sereins, des personnages pittoresques et des paysages qui sont une invite à la balade (je caricature... Son style, plus que celui de Soutine, a évolué au fil des années).
(La Seine à Chatou, 1906)
Les visiteurs du Luxembourg ont le sourire aux lèvres... alors qu’à la Pinacothèque, c’était plutôt ambiance tempête sous un crâne.
Mais là où l’un et l’autre se retrouvent, c’est dans la patte, énergique, et surtout dans la vigueur de la couleur (dans les influences essentielles de l’un et de l’autre, on retrouve Van Gogh). Ça pète, ça estomaque, ça coupe le souffle. C'est de la peinture qui va aux tripes.
*L'expo s'est terminée le 2 mars. Elle était présentée à la Pinacothèque, place de la Madeleine, à Paris.
**Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, Paris 6e, jusqu'au 20 juillet. Beaucoup de monde dans ce petit musée. Mieux vaut éviter le week-end. L'entrée est à 11 euros. L'art est cher... comme on dit à Blois (pourtant, ces gens-là font pas de manières).
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