J'AI UN CHEVEU CONTRE MA MERE
Je les hais jusqu'à la racine du bulbe, je les abhorre tout au long de la fibre capillaire… ces créatures insolentes dont la chevelure traverse les saisons comme jadis Moïse traversa la mer Rouge : tranquillou.
J'aimais beaucoup ma mère. Vraiment. Rien que sa blanquette de veau méritait des torrents d'amour. Et elle savait aussi faire le bœuf bourguignon ! N'empêche. Le jour où elle m'a légué les cheveux les plus pourraves au nord du 23e parallèle, elle n'a pas fait montre d'un amour maternel démesuré. Des cheveux fins et électriques qui s'aplatissent, comme soufflés au fromage, par grande chaleur ou grand froid, ou lorsqu'on couvre son chef pour le protéger des intempéries.
Par ces températures glaciales, autant dire que j'ai la tête d'une pauvresse. Si l'on considère que c'est également la saison des cernes de panda, et que je suis recouverte de cinq couches de vêtements (sous le manteau…), on peut pas dire que je sois au top de la séduction en ce moment.
Alors, quand je vois ces gonzesses avec leurs cheveux épais comme du crin de cheval, qui font des effets avec leur crinière, alors que moi j'ai l'air d'un zombie, j'ai envie de leur balancer de la crème Veet sur le vertex !* “C'est rien, je leur dirais à ces greluches dont le Q.I. se concentre dans la kératine, c'est de la neige en tube !”
Par respect pour l'héritage maternel, j'ai refourgué mes cheveux à mes filles. Trop de la balle. Tout à l'heure, je les emmène chez le coiffeur. Depuis des années, Anouk voudrait les laisser pousser. Mais dès qu'ils sont un peu longs, ils s'emmêlent et forment des nœuds inexpugnables. Cette fois-ci, changement d'orientation capillaire. Elle m'a dit qu'elle voulait “la coiffure de Pink”. Je me demande ce que vont dire les coiffeuses de ce salon du XVIIe qui ne font habituellement que des carrés pour les petites filles très propres sur elles de la plaine Monceau… Et dont les mamans ont toujours des brushings impeccables. D'ailleurs, où est ma crème Veet ?
* T'as vu, on apprend de chouettes mots ici ! Celui-ci, je l'ai découvert en corrigeant une page sur les nouvelles tendances en matière de coiffures. Qui a dit que les rédactrices des journaux féminins manquaient de vocabulaire ?