GARDON ESPOIR
C'est un cri de désespoir qui a retenti lorsque nous avons pénétré dans la maison.
“Non, non ! C'est pas vrai !”
“Clémentine, elle est morte !”
“Merde, le poisson rouge…”
L'aquarium était totalement opaque. On ne distinguait rien à l'intérieur. Même pas le petit corps sans vie de notre poisson rouge.
Nos filles déversaient des torrents de larmes et hurlaient dans l'escalier. On aurait dit des veuves siciliennes. Je regrette d'avance de ne pas pouvoir assister à mes funérailles. Ça va être poignant. Enfin, en espérant qu'elles auront autant de peine que pour leur poiscaille à deux balles.
“Je l'aperçois, en bas en droite !”
“On dirait qu'elle bouge la queue…”
“Mais non, penses-tu…”
“Mais si, je te dis qu'elle bouge…”
Alors, on a laissé les bagages en plan (j'ai quand même récupéré la valise qui, sous le coup de l'émotion – la nôtre pas la sienne – était restée sur le trottoir) pour sauver Willy ! Pardon, Clémentine. Elle avait survécu deux semaines dans un épais marécage, mais elle ne tiendrait sans doute pas une heure de plus ! (je te jure, des fois on est vraiment débile !)
Ça nous a bien pris une bonne heure, entre le vidage et le récurage de l'aquarium, le nettoyage du filtre et des divers accessoires. Le tout d'une cracratitude répugnante et nauséabonde.
Pendant ce temps, cette abrutie d'ablette barbotait tranquillement dans un saladier d'eau claire. Pétasse.
J'avais pourtant changé le filtre juste avant le départ, et acheté un distributeur automatique de bouffe. Sauf que le dit distributeur, au lieu de lui fournir sa dose habituelle de 5 granules quotidiens, en refilait minimum 15 ou 20. Et notre goujon s'est tout morfalé. Produisant quadruple dose de caca. Le filtre n'a pas tenu le choc. Clémentine, si, en revanche. Elle a même quasiment doublé de volume. C'est pas un poisson rouge, c'est une créature mutante. Limite ça fout la trouille…
Je l'ai donc mise au régime. Et toc ! Ça lui apprendra à nous pourrir notre retour de vacances.
Haïku du jour :
Petit poisson voracement
les vacances attend
Ça dîne et ça redîne.