LA COMMUNAUTÉ RÉDUITE AUX À QUAI Sur le quai
LA COMMUNAUTÉ RÉDUITE AUX À QUAI
Sur le quai balayé par la bise, la neige n'a pas fondu. Elle est blanc sale, parsemée de mégots. Le train a du retard. J'ai les pieds gelés. Nez, mains, pieds, j'ai les extrémités rétives aux variations climatiques.
Dans mon manteau noir à brandebourgs, la tête prise dans une épaisse écharpe, j'ai l'air d'une réfugiée moldave. Sous l'écharpe, j’ai glissé des écouteurs. Je me balance vaguement au rythme de la musique pour me réchauffer. Je monte le son. Je balance un peu plus. Mes pieds se dénouent. Je ferme les yeux. J'oublie le froid. Je suis dans la musique.
Il est 8 h 54. Et il fait froid. Et je suis habillée comme une réfugiée de Chisinau. Et j'ai 42 ans. Et j'écoute de la musique qui n'est plus de mon âge. Et je danse sur le quai de la gare. Et si on se fout de ma gueule, je m'en tape. De toute façon, je suis pas là. Je suis dans ma bulle sonore, je ne vois personne, personne me voit. J'emmerde le froid, les trains en retard et les culs serrés d'Epinay. Amen.
Ça c'était vendredi... Ce matin, il faisait plus doux. J'ai rechaussé les rollers. Et je me suis dit que l'adjectif “rouillée” avait été inventé à mon intention.