MAL DE MERE
Dans le petit matin blême, j'ai laissé ma fille partir avec sa grosse valise rouge à fleurs et à roulettes. Elle portait un blouson à capuche, avec des petits cœurs roses et verts. Il faisait frisquet et elle avait mis la capuche. Son visage paraissait plus menu encore.
Lorsque le type qui dirigeait les opérations a dit : “Bon maintenant les parents, il va falloir partir…”, ça m'a fait une boule dans le ventre. Le genre qui actionne directement les glandes lacrymales. Comme une boule de flipper qui tope l'extra-balle. J'ai vu que ça faisait le même effet à Anouk, alors je me suis regroupée vite fait. J'ai dit : “Il y a encore des familles qui ne sont pas là. Je reste cinq minutes encore.” Puis j'ai senti qu'il était temps qu'elle se mêle aux autres enfants. Pour trouver les copines avec lesquelles elle ferait le voyage en car, et avec qui elle partagerait peut-être son dortoir.
On s'est fait un câlin et on s'est dit des mots doux d'au revoir.
Tandis qu'elle s'éloignait, je lui faisais de grands coucous, avec cette absence de retenue qui caractérise les mères émues. Mais elle ne me regardait pas. Elle était déjà au milieu des autres enfants. Elle s'est quand même retournée rapidement pour vérifier que j'étais toujours là. M'a fait un signe discret, presque embarrassé.
Il était 6 h 45. Le matin était juste un peu moins blafard. Je suis retournée à la maison boire un thé, avant de partir au travail, plus tôt que d'habitude.
Claire est en Normandie avec ma belle-mère, pour une semaine. Mais c'est pas pareil… je délègue en toute confiance. Première colo d'Anouk, première fois que je lui lâche vraiment la bride. Et j'ai du mal, misère que j'ai du mal… du mal de mère.