PRIS GROS COUP DE VIEUX DANS GENCIVES - STOP - LES BOULES - FIN
Elle est bien gentille, la baby-sitter. D'ailleurs, les filles l'aiment beaucoup. Mais elle a 19 ans…
Pour son anniversaire, je lui ai offert Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates. Un roman qui retrace la passion d'une jeune Anglaise pour l'île de Guernesey et ses habitants, au lendemain de la guerre. C'est un roman épistolaire.
– Merci pour le livre !
– Avec plaisir !
– J'ai commencé à le regarder. Il a l'air très bien. Mais il y a un truc que je n'ai pas compris…
– Ah bon ?
– Ça se passe pendant la guerre…
– Oui, enfin, juste après…
– Il y a longtemps, en tout cas ! Et à un moment, c'est écrit en texto…
– … … …
En texto ? Je réfléchis vite fait. Puis ça me revient.
– Ce n'est pas un texto, c'est un télégramme. L'héroïne envoie un télégramme !
Regard vide de la baby-sitter.
– Un télégramme, c'est un message rapide qu'on envoyait lorsqu'il y avait une urgence. Et comme on payait en fonction du nombre de mots, on écrivait en raccourci ! Un peu comme un texto. Ça n'existe plus, c'est vrai ! Mais il y a vingt ans, on en envoyait encore !*
19 ans, elle a 19 ans…
Quand même, un truc au passage. Elle vient d'avoir son bac. Elle est futée, mais pas très cultivée. Son expression en français laisse à désirer. Elle vient exactement du même milieu que moi : père ouvrier, mère femme de ménage. Mais quelque chose a changé… En mon temps (à l'époque des télégrammes…), l'école m'a donné des outils et l'envie de les utiliser. Des outils que ma famille n'aurait jamais pu me fournir.
J'ai le sentiment que ce n'est plus possible aujourd'hui, ou en tout cas beaucoup plus rare. Si tu n'es pas armé au départ, tu es condamné à ne pas sortir de ton milieu, de ta “condition”, comme on disait naguère… Reste à savoir ce qui a causé cette régression.
* Après vérification, il s'avère qu'on peut toujours envoyer des télégrammes dans notre beau pays !