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Karmara : voyage en mère
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29 avril 2009

AU NON DU PERE

Mon père est alcoolique et triste. Au téléphone, il dit toujours : “Tout va bien”, alors que tout ne va pas bien.

Il est d'un milieu ouvrier où boire était “culturel”. A son époque, et dans ce contexte sociologique, un homme se devait “d'avoir une bonne descente”. En revanche, une femme qui buvait était une abomination.

Il a été un père pénible, pour rester dans l'euphémisme, et pour ma mère un mari insupportable. Qu'elle a supporté, parce qu'elle était d'une génération où on supportait ce genre de choses une vie entière. Surtout quand on n'avait pas les moyens de faire autrement.
Quand elle est décédée, mon père a bu davantage encore. Il a dit du bien de ma mère, ce que je ne l'avais jamais entendu faire auparavant.
Il a eu la chance de se trouver une nouvelle compagne. Une dame plus jeune que lui, gentille et patiente. Mais pas suffisamment quand même pour supporter son alcoolisme et son sale caractère.
Il a été très surpris d'être quitté. Et très blessé.

Il est seul dans sa petite maison, sa santé se détériore. Il s'ennuie. C'était un gros bosseur. Dans son milieu, on ne faisait pas que boire, on apprenait aussi à tout faire de ses mains. Mais vu ses problèmes de santé, il ne peut quasiment plus jardiner ou faire du gros bricolage. Alors, il regarde la télé, le sport, les jeux, Plus belle la vie, lit La Montagne et fait la cuisine.

Et il s'invente des occupations poétiques, même si le mot le ferait rigoler. Il a passé son hiver à fabriquer un village en bois : des maisons, une église, un moulin, un puits et même un château fort, avec un avion dessus. Sur lesquels il a collé de gros coquillages. Il trouve ça joli, les gros coquillages. Et exotique. Des coquillages dorés, il y en a assez peu à Clermont-Ferrand, la ville où tout est noir : des pneus aux églises. Mais elles sont quand même belles, les églises en pierre de lave pour qui sait les regarder.

Il adore ses petits-enfants, qu'il voit peu. Son petit-fils est en Chine, et mes filles en banlieue parisienne. Il leur envoie des cartes et des colis à la moindre occasion. Avec du chocolat, des bonbons. Pour leur anniversaire ou à Noël, il me donne des sous pour que je les place sur leur Livret A.
Il était si triste, lundi, de nous voir repartir. Mais il n'en a rien montré. Anouk lui a demandé : “Tu ne t'ennuieras pas sans nous ?” Il a répondu qu'il avait plein de choses à faire…

Je lui en ai longtemps voulu, pour beaucoup de choses. Mais est venu le temps de la compassion et du pardon.
Redeviendrais-je chrétienne sur mes vieux jours ?

P1100535

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Commentaires
M
Rien d'autre à dire et surtout ne pas philosopher. Tes mots sont aussi forts que ne l'ont été tes silences ou tes confidences(le mot ne va pas mais quoi d'autre?) vite "auto-coupées".Ce mot n'existe pas? Tant pis, il reflète juste le côté tranchant de certains constats.Belle vie à toi et à tes puces,<br /> et à bientôt j'espère.
I
ton texte me touche, car les relations d'une fille avec son père sont peut etre toujours dures, déclinées à l'infini... au moins sait-il donner quelque chose à ses petits enfants, c'est mieux que rien...
B
Ce récit m' émeut et me touche au plus profond ...
S
Que dire apres tous ces commentaires? Oui, c'est très beau parce que c'est vai et sans emphase. Alors ça touche là où ça faisait mal, et où ça fait mal encore et là où c'est bon aussi. Mais c'est douloureux quand même bizarrement. Comme si tout ce temps était irratrapable. On a beau dire : mieux vaut tard que jamais... Oui. Bien sûr mais tout ce temps qu'on voudrait maintenant qu'on est si loin...<br /> C'est bon le pardon, ca rend heureux au présent. <br /> Et le temps devient different... et doux... même si<br /> Un conseil toutefois : ne pas lire ce post au boulot! Ca peut devenir penible d'expliquer une fontaine comme ça, pour rien, en plein milieu d'une journée vide et grise comme une eglise d'Auvergne.<br /> <br /> <br /> Mais fortunately, il y a le Sud, le soleil, la mer, les amis, le green curry, les journaux où on se marre, etc. Plein de petits paradis.
B
Les alcooliques sont avant tout des dépressifs , quel beau témoignage , mon père , ouvrier buvait , quand il s'est arrêté , il était malade , mais j'ai redécouvert un autre homme , moi aussi , je pardonne , à quoi ça sert la rancoeur , à nous rendre mauvaise et ça , je ne le veux pas .C'est touchant les attentions qu'il a pour ses petits enfants .
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