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Karmara : voyage en mère
Karmara : voyage en mère
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3 février 2008

SKIPPY ET SES AMIS

C’est le hasard de mes pneus qui m’avait conduite, il y a trois semaines, jusqu’au Théâtre de Gennevilliers. J’avais découvert un lieu très beau, au décor brut, dans un quartier excentré et gris. Cette fois, ce sont les flèches de Buren qui m’ont indiqué le chemin. Comme quoi, l’art contemporain peut avoir une vraie utilité sociale et routière. Entre-temps, je m’étais inscrite à un atelier d’écriture gratuit, proposé par le nouvelle direction du théâtre. Par curiosité, parce que c’est à dix minutes de chez moi, mais aussi parce que je me suis dit que ce genre d’exercices pouvait m’apporter quelque chose, ne serait-ce que du plaisir. On est une quarantaine, de 17 à 70 ans. La plupart des gens se connaissent, se saluent, s’embrassent et parlent bruyamment, genre “on est une super bande de potes qui fait une activité méga sympa”. Oulala ! Moi, les supers bandes de potes, ça le fait pas trop. Et les bises en veux-tu, en voilà non plus. Pour tout dire, j’ai un quotient de sociabilité proche de la température annuelle moyenne des îles Kerguelen (chères à Dave, qui y effectua une retraite affective au mitan des années 70, avant de faire un coming-back et un coming-out concommitent ). Comme souvent quand il y a plein de gens dans un espace restreint, j’ai la tentation de fuir à toutes blindes, mais je songe au super post que je vais rédiger et je fais front avec ce courage légendaire qui caractérise les Auvergnats (voir Vercingétorix et sa contemporaine Danièle Gilbert). Au hasard des conversations des initiés et des nouveaux pas timides, j’entends que certains viennent de Paris ou de Montreuil. Carrément ! Sont fous les gens (Pourquoi ? Tu connais pas le quartier des Grésillons, ça se voit). Je plugge, tu plugges, nous pluggons Avec une demi-heure de retard, le troupeau, hétéroclite mais uni, se dirige vers une entrée de service et gravit quatre étages, jusqu’à une immense pièce sous les toits, dotée d’une magnifique verrière. Qu’est-ce que c’est beau un théâtre ! Un jeune type dirige la manœuvre. Il a l’air d’avoir une petite trentaine, barbe de cinq jours et demi, jean taille basse, haut de survêt’ bleu électrique. La voix porte et est autoritaire. En fait, il s’agit du directeur du théâtre, Pascal Rambert, qui anime l’atelier. Et, à en croire Internet, il a 45 ans ! Ça conserve, la culture ! (surtout la culture physique, mouarf). Faut dire, c’est moins fatigant qu’ouvrier du bâtiment, comme métier. On s’installe autour de longues tables en bois. 40 personnes ça fait du monde, l’air de rien. Rambert parcourt la salle du regard et, d’une intonation, impose le silence. Waouh ! Je suis entrée dans une secte. Son ton est à la fois impérieux et familier. Il dit que, les dernières fois, il n’y a pas eu de mise en scène des textes, et que cette fois, il veut plus travailler cet aspect. Hein ? C’est quoi, cette histoire ? Mise en scène ? On va jouer les textes ? C’est où la sortie ? « Et puis je voudrais qu’on poursuive dans la direction du “je”, du “tu”, du “nous”, ce qu’on a bien amorcé les autres fois. Il faut que vous “pluggiez” avec les autres. Vous pouvez y aller ! » conclut-il, avant d’aller s’asseoir à l’autre bout de la salle. Les anciens commencent déjà à gratter du papier. Aller où ça ? Y’a pas pas de thème proposé ? J’ai l’impression d’avoir un paysage de neige dans la tête, avec du coton au milieu et de la chantilly sur les bords. Il sait pas ce qu'il veut, çui-là ! clairecaddy Aussi étonnant que cela puisse paraître, les mots finissent par émerger de la ouate de mon cerveau. Je commence par commenter la situation dans laquelle je me trouve, puis je finis par écrire... mon blog. Un truc qui s’est passé à l’hypermarché, le matin (la preuve en image ;-)). Pour cette première, j’ai préféré rester en terrain connu. L’heure de rédaction passée, ceux qui le souhaitent lisent leur texte. C’est très vivant, souvent drôle. Certains se révèlent doués, notamment une lycéenne, petite nana des banlieues, pleine d’humour. Lui succède un monsieur sexagénaire, dont le texte est un peu répétitif, mais qu’il lit avec conviction. Il se fait rabrouer par Rambert, comme un écolier par son instit’. Sauf que moi, ça me fait bizarre de voir un « jeune merdeux » faire la leçon à un papy. A un autre moment, toute l’assemblée en prend pour son grade, parce que personne n’a enchaîné après une lecture... L’a pas l’air jouasse, Skippy le grand gourou (désolée, c’est mon jeu de mots pourri préféré au monde). On lui a cassé son ambiance... Pourtant, tout à l’heure, il souhaitait « une vraie qualité de silence ». Il devrait être content, il l’a ! La suite la semaine prochaine ? Toutefois, les interventions de Rambert sont le plus souvent pertinentes, voire passionnantes. Il a beaucoup de présence, ses suggestions tombent juste, son énergie « booste » les intervenants. C’est un vrai pro ! Mais son côté péremptoire, son omnipotence ont un côté casse-bonbons. A un moment, il demande un volontaire pour mettre en scène le texte d’un jeune garçon (les lycéens ont été les plus enclins à déclamer leur texte). L’aspirant metteur en scène est comme un clone du directeur du théâtre. Il s’adresse au jeune « auteur » sur le même ton sec. Mais il n’a ni sa perspicacité ni sa force de conviction. Rambert qui, pourtant, lui a confié la mission de cette mise en scène, reprend très vite les rênes, genre « cette ville est trop petite pour toi et moi, cowboy ! » Puis je lève le doigt pour lire mon texte... Non, je rigole. En fait, sur les quarante personnes présentes, seule une demi-douzaine ont eu l’envie, le courage ou le temps, de présenter leurs écrits... Je ne sais pas si je vais être très assidue à cet atelier (ne serait-ce que pour des questions d’organisation avec mes pépettes), mais je vais retenter le coup. Parce que le fait d’être « contrainte » d’écrire à un moment X, sur commande quasiment, ça met en place des mécanismes intéressants, je trouve. Et puis je suis curieuse de voir la suite des aventures de Skippy et de ses adeptes. (Sur le site de Libé, j’ai trouvé cet article. qui dresse un portrait assez critique de Pascal Rambert. Voici un pendant plus favorable chez Rue89.)
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Commentaires
K
@Fauvette : Faut que je fasse, je risque d'entrer dans la secte (y'a pas eu de test de personnalité... c'est toujours ça).<br /> @Mab : je les ai remballés vite fait mes petits écrits à deux balles. J'avais emporté un cahier d'écoliers de mes filles, dont la plupart des pages sont constellées de gommettes... C'était pas trop dans l'ambiance.<br /> @Maky : Children not welcome, manifestement. Et puis si le boss veut "une certaine qualité de silence", c'est mal barré avec mes pépettes ;)<br /> @Le Goût : Ah ! Les caves d'Auber, c'est d'un trendy total !
L
Fais gaffe ! Si tu continues comme ça, tu vas te retrouver à trouver "aaabsooolument fooormidaaable cet artiste roumain qui dit des fables de La Fontaine dans une cave d'Aubervilliers avec un accent épouvantaaable."
M
Certainement intéressant, mais avec 40 participants !<br /> Persiste et dis-nous...<br /> Poignée de main (Je ne t'embrasse pas)<br /> <br /> PS : Pourquoi n'emmènes-tu pas ta petite...<br /> Ils auraient tout à y gagner...et toi rien à perdre ! hormis la bienvenue ;-)
M
J'espère que le gourou apprécie ce que tu écris, en tous cas un billet très drôle une fois de plus. C'est vrai que l'atelier , les consignes chez Coumarine, en ce qui me concerne sont à chaque fois un challenge avec soi-même
F
Tu m'as fait beaucoup rire ! C'est vrai que s'insérer dans un groupe déjà formé ce n'est pas facile. Surtout pour une sauvageonne comme toi (euh je rigole !).<br /> J'espère que tu vas y retourner, autant avoir une deuxième expérience non ?<br /> Pascal Rambert, je me demande si je ne l'ai pas vu en tant qu'acteur aux Amandiers de Nanterre, il y a plusieurs années...<br /> Libé n'a pas l'air de l'apprécier, mais faut voir.
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